Article n°5 - Le jeu de la vie
C’est un jeu de simulation mathématique inventé dans les années 70 par John H. Conway, professeur de mathématiques à l'université de Cambridge, au Royaume-Uni.
Une surface supposément infinie et constituée de cellules évolue à chaque temps (itération). Chaque cellule peut vivre ou mourir selon l’état des cellules environnantes : une cellule vivante peut mourir de solitude ou d’étouffement, et une cellule morte peut (re)naître si elle est bien entourée.
Plus précisément :
- Une cellule vivante qui ne possède pas exactement deux ou trois cellules voisines vivantes meurt.
- Une cellule morte qui possède exactement trois cellules voisines vivantes devient vivante.
On détermine une situation initiale puis une fois lancé, le jeu est autonome. Il s’agit d’un automate cellulaire, appelé aussi « no player game ».
L’esthétique du jeu en quadrillage avec ses cases pleines ou vides m’a tout de suite inspirée. J’ai une adoration pour les effets visuels géométriques quadrillés, et je ne suis apparemment pas la seule à aimer ça. Il m’a quand même fallu du temps pour assumer de reprendre ces motifs dans mes peintures, qui peuvent paraître rigides ou froids pour certains.
Je fais le fond presque noir, aux nuances bleues. J’ajoute des fines éclaboussures, qui se révèlent comme des étoiles dans l’espace. Je trempe du fil de laine dans la peinture et je l’imprime sur la toile, je tisse les lignes qui forment la grille, délimitation des cellules dans le jeu. Je représente les cases vivantes au couteau, en relief épais mais inachevé, comme fragile. Rappelant ainsi qu’au temps suivant cette cellule sera peut-être morte. Elle peut mourir à l’instant d’après, ou dans 1 milliard d’itérations, ou jamais. Et renaître un jour, ou jamais.
J’imagine que certaines cellules attendent impatiemment la vie.
Que d’autres sont bien tranquilles d’être mortes.
Et celles qui brillent de mille feu à chaque instant de vie.
Des formes apparaissent et disparaissent, évoluent, avec des interprétation visuelles de structures en mouvements, en danses, avec parfois des directions de déplacement, de manière ponctuelle ou éternelle.
Certaines configurations sont étudiées pour leurs propriétés. Par exemple celles qui sont capables de générer d’autres structures, parfois en répétitions. Il existe une capacité de reproduction voire de duplication. John H. Conway compare cette capacité à celle de notre ADN, dans lequel l’ARN messager contient un code qui permet de dupliquer nos cellules.
Le jeu est simple mais ses capacités sont démesurées.
En parallèle je me questionne : pourquoi toujours ce vocabulaire de vie ou mort. Pourquoi pas des états A et B ? Vert et Bleu ? On a choisi : la vie et la mort. Comme dans le jeu de Go et tant de jeux de société. On est « prisonnier », on est « mort », on a « plus que trois vies ».
Pourquoi « jeu de la vie », et pas « jeu de la mort » ?
Et notre vie à nous est-elle est un jeu ? Y a t-il des règles qui définissent nos états ? A quel point notre vie est dépendante de ceux qui nous entourent ?
Il paraît que nous sommes la somme des cinq personnes que nous fréquentons le plus…
Il y a plusieurs longues périodes dans ma vie où je me suis isolée. J’étais déconnectée des personnes autour de moi mais aussi de mon environnement. Je sortais peu de mon appartement. J’étais isolée dans tous les espaces. Avec le sentiment que ça me tuait à petit feu. Comme une cellule qui n’avait plus qu’une cellule vivante à côté d’elle, et qui risquait de mourir au prochain tour.
Depuis quelques temps, j’ai retrouvé la volonté de créer des nouveaux liens dans mes environnements physiques et sociaux.
Je veux rencontrer, me déplacer, découvrir.
Apprendre aussi. Comme si même mes neurones avait besoin de nouvelles connexions.
Je cherche à me mêler à des réseaux, sans m’étouffer de connexions qui pourraient prendre trop de mon énergie.
J’ai besoin de connexion et de respiration. De liens et de libertés.
Parce que j’ai envie de vivre.